Immersion : 24h de garde en caserne

 

24h de garde avec les sapeurs-pompiers de Chamalières

 

Vivre 24h dans la peau d’un sapeur-pompier ? Challenge accepted ! Le but ? Approcher les sapeurs-pompiers, vivre leur quotidien, faire tomber les clichés et m’immerger au sein d’une caserne. C’est parti pour une garde complète à la caserne de Chamalières !

 

 

 

Rassemblement des troupes :

 

7h : arrivée au centre d’incendie et de secours de Chamalières.

 

24h de garde, confronté à des accidents, des drames, ça parait long et c’est avec une certaine appréhension que je me rends à la caserne .
J’enfile ma tenue de sapeur-pompier et rejoins directement mes futurs camarades au réfectoire, véritable cœur battant de la caserne.

 

Après rassemblement des équipes et  mise au point sur les affectations de chaque équipier, il ne faut pas 5 mn pour que la sonnerie retentisse.
Premier départ en intervention : un jeune homme en état d’ébriété sur la voie publique.

 

Me voici propulsé, et c’est le cas de le dire, sur la première intervention de ma journée à un rythme soutenu. Je suis bien attaché mais je m’accroche ! Place à l’action !

 

Devant le hall d’une résidence à Chamalières, un jeune homme, manifestement encore en état d’ébriété, gît sur le sol, inconscient. Après un rapide check up de la situation, les sapeurs-pompiers parviennent à le réveiller. Celui-ci se relève, encore éreinté par sa soirée et ses excès de la veille. Mes camarades décident alors de le laisser partir, après s’être assuré qu’une prise en charge au CHU n’était pas nécessaire.  On m’explique que ce type d’interventions est le lot quotidien dans une ville étudiante. Retour à la caserne, mais pas pour très longtemps !

 

 

 

Un début d’incendie de cheminée

 

Départ en trombe pour un type d’intervention que tout sapeur-pompier affectionne, l’incendie et pour cause : celui-ci est souvent vecteur de leur vocation ! Après un trajet à vive allure à travers les rues et en se faufilant entre les véhicules, nous arrivons enfin à destination. Je peux sentir une certaine déception auprès de mes camarades après l’analyse de la situation. En effet, il s’agit d’une légère fumée qui s’échappe de la cheminée d’un particulier.  Pas de quoi ressentir l’adrénaline pure des vrais incendies ! Mais heureusement, plus de peur que de mal… Un équipier monte alors sur le toit et étouffe le foyer de fumée avec un seau pompe, l’incendie est rapidement maitrisé. Nous prenons en charge la propriétaire des lieux qui parait réellement désorientée et angoissée et tentons de la rassurer, après avoir pris  la précaution de prendre sa tension et son pouls.

 

 

 

Secours à la peronne : une personne atteinte de la maladie de Charcot

 

A peine le temps de souffler, départ en intervention en VSAV ! Une personne atteinte de la maladie de Charcot a chuté à son domicile, sa compagne ne parvient pas à le relever. Arrivée sur les lieux, première confrontation à une réelle détresse humaine. La maladie de Charcot, c’est une maladie neurologique incurable qui provoque une rapide perte de motricité progressive au niveau des membres. Le patient, allongé sur le sol, m’a rapidement fait comprendre la dimension humaine de ce métier, et surtout que les mots pouvaient autant soulager la douleur et la détresse que les gestes. Je réalise que je suis en face d’une personne tout à fait consciente de sa maladie et de l’issue de celle-ci. Nous avons pu échanger avec ce couple qui m’a beaucoup touché humainement, par son courage et sa volonté de continuer à se battre contre cette maladie, et ce jusqu’au bout.

 

 

 

Interventions très fréquentes : personnes âgées à relever à leur domicile

 

Durant cette garde de 24h, Je suis régulièrement confronté à ce type de détresse. Il s’agit réellement du type d’intervention qui s’est présenté le plus souvent lors de cette garde. Ces « relevages » sont fréquents notamment chez les personnes âgées qui vivent le plus souvent isolées dans une relative autonomie, fragile et malheureusement éphémère. Encore une fois, le caractère humain de la profession de sapeur-pompier est mis à l’honneur sur ces « relevages » : mettre l’accent sur le réconfort avec une prise en charge adaptée, douce et humaine permet de rompre temporairement le sentiment de solitude latent voire de quasi-abandon pour certains. Ces situations démontrent bien les valeurs de ce métier, cette substance qui fait l’alchimie d’une profession riche aux multiples facettes, où les compétences techniques et les valeurs morales se complètent au quotidien, et se doivent d’être et de rester indissociables.

 

 

 

Interventions nocturnes : une tentative de suicide par voie médicamenteuse

 

Sûrement le cas le plus dur à « encaisser » lors de cette nuit où les sapeurs-pompiers ont été sollicités à maintes reprises. Après un court repos réparateur entre deux interventions, nous sommes appelés par la compagne d’un jeune homme qui vient de chuter dans sa cuisine. Celui-ci a absorbé une quantité impressionnante d’anxiolytiques et d’antidépresseurs. Arrivés sur place, sa compagne, désorientée et sous le choc nous expose la situation et dresse le portrait de son conjoint : un jeune homme ayant un passé difficile et des relations plus que tumultueuses avec ses parents, et qui a tenté maintes fois de mettre fin à ses jours auparavant. Un cas complexe où il faut porter secours à la victime tout en prenant en considération la détresse de sa conjointe. Le corps sans vie apparente gît sur le sol de la cuisine. Cette scène est glaçante, j’ai l’impression alors d’atteindre mes limites, d’assister à la scène que je redoutais tant depuis mon intégration à la caserne. Je me rends assez vite compte de la gravité de cette situation et comprends vite que je dois absolument cloisonner mon affecte afin de ne pas perturber la prise en charge de ce patient en état de comas profond. J’admire alors le professionnalisme de mes camarades qui parviennent à rester stoïques et à appréhender la procédure de prise en charge de manière optimale. La conclusion tombe rapidement, il faut d’urgence contacter le SAMU afin d’assurer les premiers secours avant de le transporter aux urgences. Nous descendons tous les quatre le corps inanimé sur un « brancard » sur deux étages, sa tête se trouve au niveau de mon avant-bras. Je suis alors au plus près de celle-ci et je me surprends à éprouver un réel sentiment de compassion pour lui.  Les médecins prennent en charge la victime dans notre VSAV. Je mets à contribution ce moment d’accalmie pour essayer de jauger l’état d’esprit de mes camarades. Ceux-ci m’expliquent alors la nécessité de garder une distance psychologique avec des cas aussi difficiles afin de ne pas s’impliquer émotionnellement.

 

 

 

La vie à la caserne

 

La caserne constitue un véritable sas de décompression entre deux interventions. Tous les membres de la casernes se regroupent au réfectoire, on partage nos repas, nos pauses, nos moments de détente, si précieux pour permettre de décompresser. On plaisante aussi, on se lâche, on échange sur ce qu’on a vu, sur ce qu’on a ressenti, j’en profite pour essayer de connaitre d’avantage les équipes, leur parcours, les raisons de leur engagement…  Une séance de crossfit nous permet d’évacuer toute cette énergie accumulée et aussi de partager un moment convivial et… intensif !

 

 

 

Pompier, un métier d’action … au service de l’humain.

 

Durant cette garde, la complexité des missions m’est rapidement apparue et est devenue une évidence. Outre les interventions qui demandent bien entendu des nerfs d’acier et des qualités techniques indéniables, c’est surtout la dimension humaine qui m’a le plus marqué. On se rend rapidement compte de la détresse de certaines personnes qui sont confrontées à la solitude face à la vieillesse et la détresse sociale. La dimension psychologique de ces interventions prend alors tout son sens : apporter une réponse de secours oui, mais aussi et surtout du réconfort, de l’écoute et de l’empathie, et être capable de mettre de côté ses convictions et son ressenti afin de répondre au mieux aux besoins de la victime. Je tiens sincèrement à remercier les différents sapeurs-pompiers que j’ai pu rencontrer pour leur accueil et leur patience. J’ai découvert lors de cette expérience des personnes avec des parcours variés, j’ai cependant retrouvé en tous cette ouverture d’esprit, cette humanité et ce courage caractéristiques au milieu des sapeurs-pompiers.

 

 

 

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